Voilà encore une bien belle exposition qui se déroule actuellement (et jusqu’au 22 janvier 2023) au Musée des Arts Décoratifs.

Pour info, l’entrée coûte 14€. Nous nous sommes inscrits à la visite guidée d’1h30 et nous avons bien fait car il y avait un monde de folie le jour où nous y sommes allés (un samedi à 16h) ! Du coup, mes billets étaient coupe-file : il était donc inutile de faire la queue ! L’accès au musée se fait directement par l’arrière, au niveau du jardin des Tuileries. J’y suis retournée une seconde une fois non seulement pour prendre des photos mais aussi pour apprécier comme il se doit tous les détails couture ! Je précise que comme je fais partie du ministère de la Culture, et bien c’est gratuit pour moi…

Perso, je ne connaissais que très peu Elsa Schiaparelli, j’avais donc tout à apprendre et à découvrir ! Avant d’aller voir cette exposition, j’avais regardé le documentaire proposé par Arte « Coco Chanel vs Elsa Schiaparelli, le noir et le rose » que j’ai trouvé fort intéressant. Il faut savoir qu’Elsa Schiaparelli était la rivale directe de Coco Chanel… Elsa Schiaparelli était en effet une artiste audacieuse à l’imagination fertile et avait une vision avant-gardiste de la mode !

Voici la description faite par le musée : « Shocking ! Les mondes surréalistes d’Elsa Schiaparelli » réunit 520 œuvres dont 272 costumes et accessoires de mode, mis en regard de 248 peintures, sculptures, bijoux, flacons de parfum, céramiques, affiches et photographies signées des plus grands noms de l’époque, de Man Ray à Salvador Dalí, de Jean Cocteau à Meret Oppenheim ou encore d’Elsa Triolet. Cette grande rétrospective met également en lumière l’héritage du style Schiaparelli avec des silhouettes interprétées par de célèbres couturiers lui rendant hommage : Yves Saint Laurent, Azzedine Alaïa, John Galliano, Christian Lacroix. Daniel Roseberry, directeur artistique de la maison Schiaparelli depuis 2019, interprète l’héritage d’Elsa Schiaparelli. L’exposition est présentée dans les galeries de la mode Christine & Stephen A. Schwarzman dans une scénographie poétique et immersive confiée à Nathalie Crinière. »

Courte biographie de la maison de couture Schiaparelli 

Elsa Schiaparelli naît en 1890 à Rome. Elle fait partie de la bourgeoisie intellectuelle romaine, issue d’un milieu intellectuel plutôt favorisé. En 1927, elle présente sa première collection à Paris (les fameux sweaters ornés de motifs en trompe l’œil). Elle s’installe dans un petit appartement rue de la Paix puis déménage dans un hôtel particulier place Vendôme en 1935. En 1937, elle lance le mythique parfum Shocking. De 40 à 45, elle s’installe aux Etats-unis mais la maison reste malgré tout ouverte pendant la guerre. En 1947, elle cherche à donner un nouveau souffle à sa marque en embauchant de jeunes talents comme Hubert de Givenchy qui deviendra son premier assistant puis le directeur artistique. Mais, en décembre 1954, faute de succès depuis la fin de la guerre, la maison du couture ferme ses portes. Elle décédera en 1973 à l’âge de 83 ans. Il faudra attendre 2012 pour que la maison ressuscite grâce notamment à Christian Lacroix puis en 2019 par Daniel Rosberry, l’actuel directeur artistique.

Elsa Schiaparelli se définissait comme une jolie laide. Dans ses mémoires elle raconte qu’enfant elle ne se trouvait pas belle. Elle avait ainsi demandé des graines au jardinier qu’elle avait ensuite mises dans sa gorge, dans son nez et dans ses oreilles dans l’espoir de faire pousser « un visage couvert de fleurs comme un jardin paradisiaque ». Résultat : elle a failli finir étouffée ! Ça donne déjà le ton de la personnalité de cette créatrice qui est, vous le verrez, singulière, extravagante, moderne, créative, libre et fantaisiste !

Visite guidée de l’exposition

Durant tout le parcours de l’exposition, les œuvres d’Elsa Schiaparelli sont mélangées à d’autres plus contemporaines, comme celles de Daniel Rosberry, l’actuel directeur artistique de la maison. Le contraste est assez spectaculaire. Il faut savoir que quand Daniel Rosberry rebondit sur un modèle Schiaparelli, et bien c’est puissance 4 !

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Quand on entre dans la première pièce, on fait directement face à cette fameuse cape du soir :

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« Phoebus » (hiver 1937-1938) – Ratine, crêpe de soie ouatiné, broderies de paillettes, lames et fils métalliques par Lesage, boutons en passementerie. Le dos de cette cape capte le regard par sa broderie en forme de soleil rayonnant et doré. C’est l’un des chefs d’oeuvre de la collection « Astrologique ».

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Pièce emblématique en « rose shocking » : cette couleur fuchsia deviendra la signature, la marque de fabrique d’Elsa Schiaparelli. Cette couleur détonne dans le panorama peu coloré de l’époque. C’est audacieux, original et avant-gardiste. Il faut savoir que dans les années 30, les couleurs sont en effet très neutres… Elsa Schiaparelli est ainsi quelqu’un qui ose ! Elle casse les codes, change les règles, aime déboulonner les traditions et remettre en question les habitudes de la haute couture. Cette veste en est le parfait exemple.

Voici la cape de face et de profil. Désolée pour les reflets… En fait, toutes les œuvres d’Elsa Schipparelli sont placées sous vitrines car c’est du patrimonial. Du coup, pour les photos, ça n’a du tout été simple…

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Daniel Rosberry – Mini robe en crêpe de laine et satin duchesse, broderie de roses en taffetas (2021-2022)

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Cette première pièce est également dédiée au dessin : il y en a du sol au plafond !

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Dans cette vitrine, on découvre des albums.

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Il faut savoir que ces dessins n’ont pas été dessinés par elle. Elle ne sait en effet pas dessiner : elle griffonne une idée qui sera ensuite remise au net et au format par des dessinatrices. C’est à l’issue du défilé que les dessinatrices, employées par la maison, reproduisent, rapidement et avec soin, la silhouette du mannequin portant le modèle. A noter que ces dessins sont également mis en couleurs. Ces dessins de collection / registres constituent ainsi la mémoire de la maison.

La guide nous a expliqué qu’Elsa Schiaparelli ne savait ni dessiner, ni coudre, ni tricoter. Elle ne connait ni la coupe à plat ni le moulage. Elle ne connait ni les métiers du flou ni ceux du tailleur et pourtant elle est Elsa Schiaparelli ! C’était totalement inédit pour l’époque… En fait, elle a une vision moderne du métier. Elle comprend l’importance de la coordination, elle sait ainsi s’entourer et déléguer. Elle joue en fait le rôle d’un directeur artistique actuel. Saviez-vous par exemple que Maria Grazia Chiuri ne dessinait pas ?  Il y a en effet toute une équipe de stylistes chez Dior : elle donne ainsi une directive et c’est à l’équipe de plancher sur le thème en question.

Elsa Schiaparelli va très souvent rebondir sur un détail, une oeuvre, une photo. Ça va ainsi donner naissance à une série comme par exemple ici avec cette photo de gants du photographe Man Ray.

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L’idée lui vient de créer une collection de gants. Il faut savoir que nous, on met des gants quand on a froid aux mains mais à l’époque, on mettait des gants en toute saison, ça faisait partie de la panoplie des accessoires d’une élégante. On retrouve ainsi toutes sortes de gants comme ici du cuir rouge qui évoque le vernis à ongles, ce qui est pratique si vous n’avez pas eu le temps de vous faire les ongles !

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Et ici plus audacieux des gants à griffes…

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Daniel Rosberry, quant à lui, proposera des chaussures à griffes !

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Paul Poiret (1922)

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En 1922, après avoir vécu 8 ans aux Etats-Unis, elle rencontre le célèbre couturier Paul Poiret. Elle participe aux habillages et elle est émerveillée par tout ce qu’elle voit. Il lui offrira un manteau puis d’autres tenues et l’encouragera à s’exprimer à travers la mode. Paul Poiret deviendra son mentor, c’est lui qui révélera sa vocation. Dans son autobiographie, elle fait part de son admiration pour Paul Poiret qu’elle qualifie de « Léonard de la mode ».

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Là où tout à commencé… Un soir de 1927…

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Un jour, une de ses amies porte un sweater tricoté par une dame arménienne qu’elle trouve fort joli. Elle demande à cette dame d’en tricoter un pour elle avec un nœud en trompe l’œil. Elle va ensuite porter ce pull à un dîner. Il se trouve que ce soir-là, elle est assise à côté d’un acheteur des grands magasins Strauss. Il trouve ce pull si beau et si original qu’il lui demande qui a fait ce pull et elle lui répond « c’est moi ! ». Il lui dit « ah bon vous êtes dans la mode ? », elle lui répond « oui oui » et lui demande alors « vous m’en livreriez 40 » ? Elle répond « oui ! » L’affaire s’emballe, elle retourne donc voir la dame arménienne qui fera appel à la communauté arménienne pour tricoter ces 40 pulls et les livrer à temps, c’est à dire en 15 jours ! Il y aura ensuite d’autres commandes régulières, c’est un immense succès. En janvier 1927, elle lance sa première collection intitulée « Présentation n°1 » à son domicile. Le bouche à oreille va ensuite tellement bien fonctionner que ça va attirer un investisseur. C’est ainsi qu’elle s’installera rue de la Paix, haut lieu de la haute couture.

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Ces sweaters ou chandails tricotés à la main restent une part essentielle de ses collections jusqu’au début des années 1930. Le secret de ces pulls c’est qu’ils ne se déforment pas. Il y a une structure interne du pull qui tient parfaitement la maille.

Accessoires, bijoux et boutons

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Elsa Schiaparelli est la première à faire des bijoux et des boutons originaux dans la haute couture. Elle fait appel à des dessinateurs et des paruriers. Sur un tailleur ça relève en effet un peu la sévérité de la coupe. C’est aussi la première à mettre son initiale sur un bouton !

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Regardez comme c’est original ! Je vous rappelle qu’on est dans les années 30 : cornet de glace, champignon, collier trapéziste…

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On en parle de ce collier insectes (1938) ?

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Et de ce collier aspirine (collaboration avec Elsa Triolet – 1931) ?

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Daniel Rosberry : un bijou qui devient bustier !

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Collection « Papillon » (1938)

Elsa Schiaparelli aime donner un thème à chacune de ses collections. Elle choisit celui du papillon pour sa collection de 1937 qui représente pour elle une source d’émerveillement et d’émotion esthétique. Le papillon est le symbole de la beauté fragile, de la brièveté de la vie et de la métamorphose. C’est ainsi qu’elle rebondit sur ces photos de papillons de Man Ray.

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Ça donne naissance à une collection dont le tissu exclusif a été imprimé pour elle. Ici cette ombrelle et cette emblématique robe longue du soir imprimée de papillons colorés associée à un manteau en résille de crin (qui donne un aspect filet, comme attraper des papillons !) :

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Veste du soir (collection 1937) – Drap de laine, boutons en rhodoïd peint. Cette veste présente un système de fermeture original souligné par une envolée de papillons en rhodoïd peint dont seul celui du bas fait office de bouton. Elle fut portée par Wallis Simpson, future duchesse de Windsor.

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Admirons au passage les boutonnières passepoilées :

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Ici le couturier Azzédine Alaïa rend hommage à Elsa Schiaparelli en s’inspirant des motifs papillons pour sa collection automne-hiver 1991.

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Sous le signe de Pan (1938)

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Elsa Schiaparelli aime les défis. Pour une cliente, elle va ainsi réaliser une robe inspiration Vénus. Elle s’inspire du fameux tableau « Le Printemps » de Botticelli pour créer des robes du soir avec des broderies de guirlandes de fleurs et de feuilles en toile enduite :

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Voici une veste de dîner (1938) avec… des insectes sur le col… comme c’est charmant !

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Ici une veste de Daniel Rosberry (collection 2022-2023) – Crêpe noir brodé d’un mètre ruban doré sur le côté droit et d’épis de blé doré qui cascadent du haut de la veste jusqu’au bas de la manche gauche.

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Le mètre-ruban de plus près !

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Elsa Schiaparelli et le surréalisme

« Le mouvement, défini par André Breton dans le Manifeste du surréalisme publié en 1924, repose sur le refus de toutes les constructions logiques de l’esprit et sur les valeurs de l’irrationnel, de l’absurde, du rêve, du désir et de la révolte. »

Elle collabore ainsi avec plusieurs artistes comme Jean Cocteau, Salvador Dali, Alberto Giacometti, Leonor Fini. Ce sont pour elle de réelles sources d’inspiration. Comme vous pourrez le constater, ce mouvement aura eu une forte influence sur ses réalisations.

Jean Cocteau

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Jean Cocteau considère Elsa Schiaparelli « comme le plus excentrique de tous les créateurs ». Fasciné par cette jeune femme à l’époque où les tendances parisiennes l’opposent à la sobriété défendue par Gabrielle Chanel, Jean Cocteau réalisera pour elle deux dessins, dont l’un représente deux visages identiques se faisant face afin que les contours de leurs profils dessinent la forme d’un vase empli de fleurs.

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Elsa Schiaparelli fait reporter cette image ambiguë sur le haut du dos d’un manteau, appuyant le rouge des lèvres et le bleu des yeux par l’application de paillettes et le volume des roses par des pliages habiles de tissu cousu en relief.

Manteau du soir (collection 1937) – Tricot de rayonne, broderies de fils de soie, de lames et application de fleurs en soie par Lesage.

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Veste du soir (collection 1937) – Toile de lin, broderie de fils de soie, de lamés, de perles et de paillettes par Lesage.

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Le dessin :

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La broderie :

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Salvador Dali

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Toute une pièce est réservée à la collaboration entre Salvador Dali et Elsa Schiaparelli. Celle-ci durera 3 ans, de 1936 à 1939. Tous les deux partagent une imagination sans limites pour transcender et réinventer le réel. On découvre ainsi le premier objet que Dali a réalisé pour elle en 1935 : un poudrier en forme de cadran téléphonique…

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Leur première collaboration de mode se fait à l’hiver 1936-1937. Il s’agit de tailleurs et de manteaux à poches-tiroirs (pas de modèles présentés…)

Le dessin de Dali :

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Ce qui en découlera :

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Dans la même collection, on retrouve cet iconique chapeau-chaussure qui est très curieux vous en conviendrez ! Un mélange entre la fantaisie de la couturière et les obsessions fétichistes de l’artiste !

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Voici le Veston aphrodisiaque imaginé par Dali (1936) – Sergé de laine gratté, coton, verres teintés de résine et matériaux divers.

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Selon un motif dessiné par Dali, Elsa Schiaparelli va réaliser, toujours en 1937, la fameuse robe imprimée d’un homard géant et de persil qui confère une tension érotique évidente à la silhouette estivale…

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Le dessin :

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La réalisation : robe du soir (été 1937) dans un organza imprimé.

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On en parle de la pose de ce zip ?! A noter que c’est Elsa Schiaparelli qui fait entrer la fermeture éclair dans le domaine de la haute couture par la grande porte : plutôt que de la cacher, elle l’affiche comme un ornement.

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A noter que ces motifs peints sur le tissu, et bien c’est de la peinture sur soie réalisée par les ateliers.

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Cette robe a été portée par Wally Simpson qui n’est pas encore la duchesse de Windsor. Pour rappel elle fut l’épouse du prince Édouard, anciennement roi du Royaume-Uni et empereur des Indes sous le nom d’Édouard VIII. Comme vous le savez, ce dernier renonça à son trône en abdiquant en 1936 pour l’épouser (elle était américaine et divorcée deux fois). Ce printemps-là, il lui offre 17 modèles Schiaparelli. Ci-dessous, Wally Simpson prend la pose dans les pages de Vogue vêtue de sa robe homard. Ultime reconnaissance, elle devient en 1934 la première femme à faire la une du magazine Time !

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En 1938, elle présente une robe en crêpe de soie à l’imprimé déchiré faisant apparaître en trompe l’œil la chair à vif, toujours sur une idée de Dali :

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Et son pendant est cette robe squelette aux os saillants, toujours selon les fantasmes de Dali.

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Jean Paul Gaultier va également s’en inspirer avec ici cette petite robe en crêpe noir à dos brodé « squelette » en organza  (collection 2006-2007) :

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Voici la variante imaginée par Daniel Rosberry : une longue robe fourreau (2020) en crêpe de soie et broderie de cristaux de jais noir et bleu nuit.

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L’art de la broderie 

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On découvre ensuite une pièce dédiée à la broderie. À partir de 1936, Elsa Schiaparelli demande à Albert Lesage d’embellir ses créations vestimentaires par des motifs brodés à la main illustrant les thèmes de ses collections. Elsa Schiaparelli recherche en effet, des effets de Lumière sur ses créations. Voici quelques échantillons :

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Daniel Rosberry – Robe fourreau midi (collection 2021-2022) en crêpe de laine noire surmontée d’un drapé asymétrique bicolore en peau de soie oranga et rose. Broderie au fil, résine et strass multicolores :

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Pendant la guerre, il faut savoir que la maison n’a pas fermé bien qu’Elsa Schiaparelli soit partie dès 1940 aux Etats-Unis. La maison tournait tout de même avec un quart du personnel soir env. 150 personnes. Elle continue donc d’innover et intègre de gigantesques poches aux vêtements. Elles sont destinées à contenir l’équivalent d’un sac à main. Voici par exemple un modèle typique de la guerre avec des poches ultra larges. Celles-ci étaient fort utiles et pratiques car les gens faisaient à l’époque beaucoup du vélo, une main tenant un sac et l’autre le guidon !

Veste du soir (collection 1940) – Crêpe de rayonne, crêpe de soie, broderie d’application de lames et fils métalliques par Lesage.

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Collection « stop, look and listen » (1935)

En 1935, à l’occasion de l’ouverture de son nouveau salon place Vendôme, Elsa Schiaparelli lance la formule « stop, look and listen » comme thème des collections de l’année 1935. Elle décide de réaliser un tissu imprimé qui reproduit à la manière d’un puzzle, un pèle-mêle de coupures de presse internationale consacrées à Elsa Schiaparelli. Avec cet imprimé, elle fait des accessoires, des cravates, des foulards et des chemisiers. Une rédactrice de mode écrivait à l’époque : « Schiparelli est au sommet de sa gloire. Tout le monde ne parlait que d’elle et il est sûr qu’elle était la plus représentative de ces années-là ».

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Galliano s’en inspire en 2000 quand il était chez Dior et également en 2003 pour lui-même. Ici cet ensemble tailleur-jupe et cet  imperméable et robe (collection 2003) en jersey de coton :

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Outre le fait qu’elle aime apporter à ses tenues une touche de désinvolture et de fantaisie, Elsa Schiaparelli aime aussi les expérimentations techniques…

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Comme ici avec cette robe et tablier du soir (collection 1935) :

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Le matériau utilisé est un tissage à base de cellophane. La créatrice ose ainsi le détournement d’un vêtement utilitaire, le tablier à bavette, et apporte une part d’originalité supplémentaire en choisissant un textile issu des dernières innovations technologiques.

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Elle ose par ailleurs utiliser du synthétique alors qu’on est avant guerre ! Elle avait en effet conscience que le monde allait évoluer. Le fait qu’elle ait beaucoup vécu aux Etats-Unis, ça lui a permis d’avoir une autre vision des choses. Elle savait par ailleurs que les voyages allaient se démocratiser, qu’il fallait des vêtements adaptés et pratiques. En effet, quand on ouvre les valises, tout le linge est froissé et il fallait trouver à l’époque une femme de chambre pour tout repasser… Elle a donc eu l’idée de proposer des vêtements cousus dans des tissus qui ne se froissent pas comme le synthétique. Est exposé ici une longue cape du soir dite vénitienne réalisée dans un taffetas très froissé (collection 1935) appelé Simoun.

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La cage des parfums

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A la manière de Paul Poiret, elle va faire et produire des parfums, elle crée son usine et fait appel à des artistes designers spécialisés dans les flacons. Les parfums comptent tout particulièrement dans l’établissement de l’identité de sa maison dès sa première fragrance baptisée “S” et commercialisée en 1929, soit deux ans à peine après que la jeune femme a dévoilé sa première collection en son nom.

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Le S deviendra dès lors l’initiale de la plupart de ses parfums, comme le plus connu, Shocking, qu’elle imagine en 1937. Ce parfum deviendra la signature à succès de la maison. Elle collabore ainsi avec Leonor Sini pour faire un flacon de parfum dont elle a modelé la première ébauche. Il s’agit d’un buste tronqué qui évoque un mannequin de couture agrémenté d’un mètre-ruban de couturière.

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Pour la petite histoire, elle avait fait réaliser un buste en plâtre aux mesures personnelles de l’actrice américaine Mae West qui avait des formes généreuses et quand elle a vu ce buste sur la table des ateliers elle a dit « Oh shocking » ! D’où le nom de ce parfum…

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Je suppose que ce flacon vous rappelle Le Mâle de Jean Paul Gaultier ? Figurez-vous qu’il se considère comme le petit-fils spirituel d’Elsa Schiaparelli. Il revendique en effet cet héritage tout comme John Galliano d’ailleurs. Pour lui, Elsa Schiaparelli est son grand modèle.

Le flacons sont tous très originaux comme ici Snuff, un parfum en forme de pipe rangé dans une boîte à cigares :

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Ou encore cette eau de toilette Sport en forme de bouteille de champagne :

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Le fameux et luxueux flacon Le Roy soleil en cristal de baccarat rehaussé d’or et d’émail dessiné par Dali (édition limitée à 2000 exemplaires) :

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Le parfum Zut (S à l’envers). Pour le nom de ce parfum, il y a derrière une petite anecdote : une dame avait perdu sa jupe au cours d’un essayage. La jupe s’est ainsi retrouvée à ses pieds et elle a dit « Zut ! » C’est rigolo, non ?!

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La boutique Schiap est vraiment une curiosité touristique…

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Elle est notamment animée par ce couple de mannequins en bois. Elsa Schiaparelli les avait achetés dans une brocante et ces mannequins étaient ensuite devenues ses fétiches.

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Daniel Rosberry a rebondi sur ces mannequins pour faire cette robe en cuir de vachette naturel, moulé et peint à la main (et son sac cabas assorti) :

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La collection « Le Cirque » (1938)

En 1938, elle sort cette fameuse collection Le Cirque. Elsa Schiaparelli écrit dans ses mémoires qu’il s’agit de « la collection la plus tumultueuse, la plus audacieuse». Cette collection inventive et animée associe l’univers du cirque à celui du mouvement surréaliste. En effet, la date de son défilé coïncide avec l’Exposition internationale du surréalisme. Le cirque c’est tout un domaine riche en images, en histoires et en couleurs. Elle s’inspire ainsi des clowns, des trapézistes, mais aussi des chevaux et autres animaux dressés.

Boléro Cirque – Broderie de ganse de soie sur crêpe de soie, broderie de fils de soie, lacets, cabochons, perles et miroirs par Lesage. Sur ce boléro en crêpe de soie rose pâle doublée de fuchsia, on voit des éléphants se tenant debout, la trompe en l’air, sur leur socle circulaire. Elle avait convier un trio de clowns pour faire de son défilé un spectacle burlesque qui marquera les esprits de ses spectateurs !

Veste du soir – Drap de laine, satin de soie, broderie de perles tubulaires et de miroirs colorés par Lesage.

Boléro – Satin de soie, passementerie, lacets écrasés et appliqués, broderie de chenille de soie, lames, strass et sequins par Lesage.

Boléro du soir (collection 1938) – Broderie de ganse de soie sur crêpe de soie, broderie de fils de soie, lacets, cabochons, perles et miroirs par Lesage.

Robe du soir – Crêpe de soie imprimé.

Plus tard, ce sera le théâtre, et particulièrement la commedia dell’arte, dont la couturière italienne viendra piocher des idées pour sa collection printemps 1939, avec par exemple la figure d’Arlequin qui, à travers ses losanges contrastés caractéristiques, apparaîtra sur plusieurs créations de la couturière. Quand elle a une idée, elle aime la décliner en plusieurs techniques comme ici la broderie, l’application et le patchwork.

Au centre de cette pièce, on découvre cette veste en jean quelque peu originale de Daniel Rosberry qui n’est pas sans rappeler les créations de Jean Paul Gaultier.
Ensemble veste et fuseau (collection Matador 2021-2022) – Patchwork de denim recyclé. Broderies de lames et fils dorés et application de bijoux « anatomies » en résine et agneau doré.

La collection « Astrologique » (1938-1939) – Les signes du zodiaque

L’oncle d’Elsa Schiaparelli, était un astronome réputé en Italie. Dès son enfance, il identifie sur la joue de sa nièce des grains de beauté dont le placement lui évoque celui de la Grande ourse. Dès lors, les étoiles & planètes ne cesseront de fasciner la jeune italienne. Passionnée d’astrologie, la créatrice en fait le thème de sa collection qui représente sans doute l’apogée de sa maison, de ses ressources et de sa créativité. Au fil des vestes, capes, robes et manteaux, les lumières de la galaxie scintillent par des broderies de fils d’or, paillettes et lames métalliques représentant les astres, les rayons et autres constellations d’étoiles. Le thème est élargi aux règnes de Louis XIV et de Louis XV et à leur lieu de pouvoir, le château et le parc de Versailles.

Au premier plan : Daniel Rosberry – Robe midi (collection 2021-2022) – Crêpe de laine noir moulé sur une structure en métal forgé rappelant des cornes de gazelle. Broderie de lames, perles, pompons dorés, strass Swarovski et bijoux tétons en laiton martelé.

Yves Saint Laurent – Veste (collection 1971) – Satin de soie duchesse bleu, brodé de paillettes ; dos brodé d’un soleil, broderies arabesques sur les parements de col et manches. Cette veste fait écho à la cape Phoebus dont je vous parle au début de cet article.

Elsa Schiaparelli – Veste du soir :Velours de soie bleu, broderie de fils et lames métalliques dorés, perles et cabochons de verre par Lesage.

Yves Saint Laurent – Cape (collection 2000) – Satin, Buche et tulle Sophie, broderie « étoiles » de paillettes, rocaille et fils de métal de Lesage.

Daniel Rosberry

La dernière pièce est consacrée à Daniel Rosberry, l’actuel directeur artistique de la maison.
Pour la petite anecdote, il est né au Texas et a failli s’inscrire au séminaire pour devenir prêtre anglican mais a finalement déménagé à New York pour poursuivre son rêve de devenir créateur de mode.

Il vient donc des USA et il est inconnu au bataillon. C’est d’ailleurs la première fois qu’un créateur de mode américain se retrouve à la tête d’une maison de haute couture. C’était un pari risqué mais on peut dire aujourd’hui qu’il a su ressusciter la maison ! Comme Elsa Schiaparelli, il est particulièrement intéressé par les innovations techniques, l’expérimentation de tissus nouveaux et improbables et repousse sans cesse les limites de la couture. Ce créateur m’a tout de suite fait penser à Thierry Mugler.
La guide nous a dit ceci : « si vous voulez vous faire remarquer, habillez-vous en Daniel Rosberry, si vous cherchez la discrétion il faudra alors vous habiller ailleurs ! » Ses réinterprétations de modèles phares d’Elsa Schiaparello, empreints d’une exubérance toute surréaliste, sont portés par des stars comme Lady Gaga, Bella Hadid ou Beyoncé.
Il ne propose dans un premier temps que des tenues en noir et or (et perso j’adore !). Les volumes sont spectaculaires, les accessoires sont de taille exponentielle et les bijoux sont gigantesques.

Voici ma petite sélection…

Robe bustier (collection 2021-2022) – Crêpe de laine et taffetas laminé. Robe portée par Lady Gaga pour la couverture du magazine Vogue UK.

Longue robe à capuche (collection 2021) – Crêpe de soie, bijou en résine moulée métallisée or.

Robe cage bijoux (collection 2022) – Cuir moulé à la main appliqué de feuilles d’or brodées de cabochons, de bijoux vintages, de strass et de bijoux « anatomies » en résine sur une structure en métal forgé à la main.

Robe colonne (collection 2022) – Robe en crêpe de laine. le bustier et la traîne sont brodés de 79 000 lames or et de 38 000 cristaux Swarovski. Cette robe a été réalisée pour l’actrice Carzy Mulligan.
Coup de cœur pour cette robe !!!

Dans le même esprit, on retrouve également cette robe manteau (collection 2022) entièrement brodée de sequins dorés et de cristaux Swarovski :

Longue robe fourreau (collection 2021-2022) – Crêpe de laine, collier en laiton doré orné de strass représentant des poumons. Cette robe a été portée par le mannequin Bella Hadid.

Robe longue (collection 2022) – Crêpe georgette. Cerceaux brodés de sequins dorés, fils lamés, tubes, perles et de strass Swarovski.

Robe, Nuage (collection 2019) – Faille de soie lavée bouillonnée sur une structure en métal forgée à la main.

Robe bustier, Nuage (collection 2019) – Crêpe de soie ivoire drapé sur une structure en métal. Accessoire nuage en taffetas ivoire.

Robe longue suspendu à un bijou (collection 2021) – Velours de soie rose Shocking, bijou en laiton doré.

Cette robe est tout simplement impressionnante de par cette traîne gigantesque !

A noter que la robe repose sur la tête… Original, non ?!

Je termine ce long article par cette tenue incontournable :

Ensemble veste et jupe (collection 2021) – Veste cintrée en cachemire bleu nuit. Jupe longue en faille de soie rouge. Broche « colombe » en étain doré. Ensemble réalisé pour Lady Gaga et porté à l’occasion de son interprétation de l’hymne américain lors de l’investiture de Joe Biden en tant que 46ème président des Etats Unis, le 20 janvier 2021. Il parait qu’il y a un gilet pare-balles à l’intérieur, ce qui est assez cocasse avec la colombe qui, comme vous le savez, symbolise la paix…

Voilà pour cette visite guidée, j’espère que ça vous a plu !