L’exposition célèbre le 60ème anniversaire du premier défilé d’Yves Saint Laurent. L’histoire, vous la connaissez : le couturier quitte la maison Dior puis, tout juste âgé de 26 ans, il signe le 29 janvier 1962 sa première collection sous son propre nom…

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Il s’agit ici d’une exposition qui se déroule jusqu’au 15 mai 2022 dans six musées parisiens : le Musée Saint Laurent, le Musée d’Orsay, le Musée d’Art Moderne de Paris, le Musée du Louvre, le Centre Pompidou, et le Musée National Picasso-Paris. Pour lire le dossier de presse, c’est par ici !

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C’est un concept qui m’a particulièrement plu car chaque musée propose sa vision de la maison Yves Saint Laurent à travers une sélection de plusieurs tenues. Sur les six musées, j’en ai pour ma part visité cinq : tous sauf le Musée Picasso. Des cinq ce sont celles du Centre Pompidou et du Musée d’Art Moderne qui m’ont le plus marquée car j’ai tout simplement trouvé le concept génial : chaque tenue était en effet associée à un artiste.

Dans cet article, je vous vais présenter mes trois premières visites (Pompidou, Louvre et Orsay) et dans un second, je vous parlerai de mes deux dernières (MNAM et Musée Saint Laurent).

Allez c’est parti et on commence tout de suite avec le Centre Pompidou ! 

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Voici la présentation faite par le Centre Pompidou : « l’exposition aborde l’œuvre d’Yves Saint Laurent comme celle d’un artiste profondément ancré dans son temps, témoin de l’évolution de la création artistique au 20siècle. Au fil des salles, découvrez les créations du couturier en regard d’œuvres majeures de la collection du Musée, de Mondrian à Matisse en passant par Ellsworth Kelly ou Etel Adnan.
Ainsi, les dialogues et les jeux de vis-à-vis proposés sont-ils pensés à la lumière des mots d’Yves Saint Laurent : « J’aime d’autres peintres, mais ceux que j’ai choisis étaient proches de mon travail, c’est pour cela que je les ai sollicités. Mondrian, bien sûr, qui fut le premier que j’osai approcher en 1965 et dont la rigueur ne pouvait que me séduire, mais également Matisse, Braque, Picasso, Bonnard, Léger. Comment aurais-je pu résister au Pop Art qui fut l’expression de ma jeunesse ? »

Au 5ème étage, nous sommes tout d’abord accueillis par la fameuse photo d’Yves Saint Laurent prise par Jeanloup Sieff qui date de 1971.

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Cette photo a été prise pour la promotion du premier parfum créé par Yves Saint Laurent. Cette photo, c’est un incontournable, elle est ultra célèbre. Ce portrait avait d’ailleurs fait polémique à l’époque…

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La scénographie est particulièrement réussie : une oeuvre + une tenue YSL = quelle merveilleuse idée ! Allez, je vous montre ça tout de suite…

La Blouse roumaine (1940) – Henri Matisse / Ensemble inspiré par Henri Matisse (1981).
Blouse en étamine de laine brodée de paillettes, rocailles et chenille.
Jupe de velours, ceinture de velours et passementerie.

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« Pour moi, c’est « le » peintre […] J’aime Matisse avec sa vie tout à fait calme et sa recherche de la couleur, constamment. J’ai toujours eu envie de créer cette blouse. J’aime les costumes folkloriques de l’Est. Leurs coupes sont extrêmement simples. Une blouse roumaine n’a pas d’époque. Tous ces vêtements de paysans traversent les siècles sans se démoder. »

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Cette tenue, ce n’est clairement pas mon style, mais j’apprécie le travail de finitions. Vous remarquerez qu’il n’y a aucune surpiqûres visibles au niveau de l’encolure, du col et des poignets.

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Le Violon (1914) – Pablo Picasso / Cape Hommage à Georges Braque (1988).
Drap de laine brodé de paillettes, tubes, rocailles et daim.

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En 1988, YSL imagine une collection en « hommage aux artistes » […] il transforme le défilé en une succession de peintures animées. Un groupe de 13 capes inspirées par les compositions cubistes de Braque et Picasso ressemblent, selon la presse de l’époque, à des « tableaux […] reconstitués comme par magie. »

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Arlequin et femme au collier (1917) – Pablo Picasso. Robe hommage à Pablo Picasso (1979).
Crêpe de satin noir et blanc.

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« Pablo Picasso travaille aux décors et aux costumes des Ballets russes de Serge Diaghilev. YSL découvre des costumes à l’occasion d’une exposition que la BnF consacre aux Ballets russes : « à partir de ce moment, ma collection s’est construite comme un ballet. J’ai travaillé avec des à-plats de couleur, comme un peintre. »

Vous n’êtes pas sans savoir que le satin est une matière hyper délicate à travailler. Ici, aucune imperfections, tout est bien lisse, les coutures ne grignent pas. Je suis admirative !

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Robe Hommage à Pablo Picasso (1979).
Faille moirée brodée d’applications de satin et de faille. Ceinture de satin.

Les couleurs choisies et le mouvement giratoire des motifs laissent toutefois deviner l’influence de Robert et Sonia Delaunay sur le couturier : « Révélée par les formes circulaires fragmentées, la couleur est source de mouvement, de dynamisme et d’énergie. »

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Pour le coup, je trouve ces appliqués un peu grossiers, en tout cas vu de près… Le point bourdon n’est pas des plus réguliers et je le trouve pour ma part un peu trop épais… Mais de loin, ça fait de l’effet, y’a pas à dire !

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Avec le tableau ci-dessous, on voit assez clairement l’influence du peintre sur le couturier qui a repris ces cercles aux couleurs chatoyantes.
Manège de cochons (1922) – Robert Delaunay : « Une paire de jambes noires, emportée par un tourbillon de couleurs, restitue l’atmosphère des fêtes foraines dans les années folles. »

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Cette robe, vue de dos, ne m’emballe pas plus que ça. Le zip caché aurait pu mieux l’être et le raccord au niveau de l’extrémité aussi… Mais bon, serais-je trop perfectionniste ?

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Robe inspirée par les peintures de Fernand Léger.
« J’aime les formes imposées par l’industrie moderne, les aciers aux milles reflets plus subtils et plus fermes que les sujets dits classiques ».

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On reste dans le même esprit que la robe précédente. Les appliqués sont là aussi finis au point bourdon, ce que je ne trouve pas des plus élégants mais ça va aussi, je pense, avec le style…

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Composition en rouge, bleu et blanc II – Piet Mondrian (1937) – Robe Hommage à Piet Mondrian (1965).
Jersey de laine écru incrusté de noir, rouge, jaune et bleu.

Ces robes de coupes simples et aux formes géométriques & abstraites, on ne les présente plus. Elles sont en effet iconiques, incontournables de la maison YSL. La presse les qualifiait à l’époque de « totalement révolutionnaires ».

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De près, on remarque que la doublure intérieure au niveau de l’emmanchure est finie à la main :

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« Derrière ces lignes simples, ces robes sans col et sans manches sont d’une grande complexité technique. Pour recréer les aplats de couleurs bordés de lignes noires, les carrés sont incrustés et combinés entre eux depuis l’intérieur de la robe. Ainsi les coutures disparaissent et rien ne se perçoit à l’œil nu. C’est la sobriété de la ligne qui dicte la technique. » 

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Sans titre (2010) – Etel Adnan / Robe Hommage au pop art (1966).
Jersey de laine incrusté de bleu, jaune, marine et orange.

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« Cette robe en jersey, la « seule matière moderne », selon Yves Saint Laurent, évoque une plage avec un soleil comme sur les œuvres de Roy Lichtenstein : avec les dunes et la mer et un grand soleil jaune. »

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Regardez-moi la finesse d’exécution de cette incrustation… C’est d’une régularité exemplaire !

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Robes à motifs géométriques (1968-1970)
« A la fin des années 1960, la tendance Op’Art envahit la mode. Les collections d’Yves Saint Laurent ne font pas exception. »

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Yves Saint Laurent s’est inspiré de ce nouveau concept présenté ici par ce tableau qui fait mal à notre rétine je vous le dis ! Il y a ce côté hypnotique avec cette impression de profondeur, de mouvement et de relief. C’est d’ailleurs tout le concept de cet art optique : le Op’Art !

Alom [Rêve] (1966) – Victor Vasarely

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Les robes d’YSL sont présentées à côté de cette pièce signée Yaacov Agam, esprit Op’Art là aussi… C’était en fait l’aménagement de l’antichambre des appartements privés du Palais de l’Elysée pour le Président Georges Pompidou, 1974… Qui l’eut cru ?!

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On retourne vers un peu plus de sobriété avec cette robe :

Black White – Ellsworth Kelly (1968) – Robe du soir long (1965).
Crêpe de soie noir.

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« Les deux artistes semblent s’inspirer de l’oeuvre d’Henri Matisse qui n’eut de cesse de chercher à allier l’intelligibilité de la ligne à l’intensité de la couleur comme en témoigne cette robe dont la forme minimaliste semble être découpée dans la couleur noire ».

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The Moon – Gary Hulme (2009) – Robe Hommage à Tom Wesselman (1966).
Jersey de laine violet, noir et rose.

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Je reste sans voix sur cette incrustation…

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Made in Japan – La Grande Odalisque – Martial Raysse (1964) – Manteau (1971).
Fourrure de renard vert.

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Ce manteau a fait partie du fameux défilé qui fit scandale en 1971. Une exposition avait été proposée en 2015 au Palais Galliera que j’étais d’ailleurs allée visiter : « Yves Saint Laurent présente la collection dite « Libération » ou « Quarante », inspirée par la mode de ces années marquées par la guerre. Robes courtes, semelles compensées, épaules carrées, maquillage appuyé : ces références au Paris de l’Occupation font scandale. Violemment critiquée par la presse, la collection donne toute son ampleur au courant rétro qui envahira rapidement la rue. »

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Manteau (1967)
Raphia et col de macramé brodé de perles de bois.

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« En 1967, le couturier présente une collection inspirée des arts africains. Ce manteau évoque les vêtements traditionnels des danses rituelles du peuple Dogon. »

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Robe du soir long (1967).
Organza brodé de rhodoïd et de perles de bois.

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Les motifs géométriques de cette robe renvoient aux textiles bogolan du Mali. Le couturier avait déclaré : « Cette une robe faite pour être présentée uniquement. Il serait ridicule de la prendre pour une « robe à mettre ». C’est un totem. »Avec cette poitrine conique, cette pièce exceptionnelle n’est pas sans évoquer les sculptures surréalistes de Giacometti. Cette robe, je l’avais déjà vue lors de l’inauguration du Musée Saint Laurent en 2017. Perso, j’y vois surtout du Jean Paul Gaultier, pas vous ?!

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On va à présent littéralement changer d’ambiance… Direction le Musée du Louvre !

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« C’est la fascination du couturier pour la lumière, pour l’or – couleur du soleil – pour les arts décoratifs mais aussi et surtout pour le grand apparat qui est mise à l’honneur dans la galerie d’Apollon » située tout près de la Victoire de Samothrace :

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La galerie d’Apollon est splendide, c’est l’un des lieux les plus emblématiques du Musée du Louvre car elle y présente notamment la collection royale de gemmes et les diamants de la Couronne. Cette galerie a d’ailleurs été restaurée tout récemment

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Je ne peux m’empêcher de vous montrer ces trois diamants historiques, le Régent, le Sancy et l’Hortensia (diamant rose), qui ont orné les habits ou les couronnes des souverains :

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Le diamant dit « le Régent » est considéré comme le plus beau diamant du monde par sa pureté et la qualité de sa taille (Hauteur : 3,2 cm ; Largeur : 3,1 cm).  Le diamant, avant d’être taillé, faisait alors 426 carats…

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Revenons à ce qui nous intéresse ici : les créations d’Yves Saint Laurent…
Ci-dessous, une photo de YSL prise et dédicacée par Jacques Henri Lartigue.

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Quatre pièces d’exception signées Yves Saint Laurent sont présentées dans cette superbe galerie. « Elles témoignent de la richesse des sources d’inspiration du couturier, qui parvient, grâce à des emprunts, à doter ses modèles de valeurs culturelles et symboliques. Epris de broderies, YSL a l’audace de transposer en couture son goût pour les grands décors, sa passion pour les objets d’art et l’orfèvrerie, transformant chacune de ses créations en parure. »

Perso, j’ai trouvé ça un peu dommage que ces créations soient placées sous vitrine… Résultat, mes photos sont de piètre qualité et ne reflètent donc pas toute la beauté de ces vestes richement décorées…

Veste miroir brisé (1978) – Velours noir brodé d’or, d’argent et de rhodoid.
« La veste présente au dos un motif de miroir brodé, dont les lignes qui le traversent créent des éclats de lumière. Ces jeux sur la lumière et les dorures renvoient aux décors de la galerie d’Apollon et à ceux de la galerie des Glaces, conçue à Versailles à la gloire de Louis XIV.

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Veste hommage à ma Maison (1990) – Organza brodé d’or et de cristal de roche.
« Cette veste devait, selon les mots du couturier, « refléter le ciel et le soleil dans la glace ». Elle est un témoignage d’amour et de reconnaissance à sa maison de couture et à toutes les personnes qui ont travaillé de nombreuses années à ses côtés. »

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Cette veste, je l’avais déjà vue lors de l’inauguration du Musée Saint Laurent en 2017.

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Caraco (1981) – Organza brodé de paillettes, pierres et chenilles.
« Ce caraco brodé par la maison Lesage arbore un motif de boteh, sorte de palme stylisée qui signifie « bouquet de fleurs » en persan et rappelle le costume-parure propre à l’Inde de Maharajas. »

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Veste (1980) – Gazar noir brodé d’or.
« Cette veste emprunte des éléments décoratifs propres au répertoire de danse et de théâtre d’Asie du sud-est. En effet, sa forme caractéristique évoque les ailes des deva (divinités). Ornée de feuilles de chêne dorées, elle renvoie aussi au pouvoir et à ses symboles. YSL ne devait pas ignorer que ce type de broderie ornait les uniformes napoléoniens. Cette veste a été portée Diana Vreeland, reine des rédactrices de mode, à l’occasion des 20 ans de la maison YSL, un an avant qu’elle ne consacre au créateur une rétrospective au MOMA à New York, première exposition d’un couturier vivant, dans un musée. »

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Coeur (1962, réédité en 1979) – Paison Scemama. Strass gris fumé, cabochons en cristal rouge, perles blanches et pâte de verre.
« Objet fétiche, ce Cœur qui symbolise la foi, l’attachement, l’amour, transgresse les frontières du vrai et du faux pour s’inscrire dans la tradition de la joaillerie française. Le couturier faisait porter ce Cœur en strass à l’une de ses muses, lors de chaque défilé. » J’étais bien contente de le revoir cette si jolie broche !

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Et je termine ma visite du Louvre par cette sculpture en marbre d’Antonio Canova Psyché ranimée par le baiser de l’Amour (1793) qu’on croise sur le chemin de la sortie.

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Ensuite, direction le Musée d’Orsay !

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Je vous le dis tout de suite, c’est l’exposition que j’ai le moins appréciée… Les tenues sont certes exposées dans un lieu mythique (salon de l’horloge situé au 5ème étage du Musée) mais elles sont peu nombreuses et en plus de cela mal éclairées & disposées sur un piédestal qui ne nous permettait pas de nous en approcher…

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On y retrouve quelques uns des légendaires smokings féminins, que le couturier propose comme une alternative à la robe du soir et qu’il réinterprétera tout au long de sa carrière. 

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Regardez-moi tous ces moutons de poussière au sol… ça gâche un peu tout, vous ne trouvez pas ?!

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Le thème de cette exposition : des tenues créées pour le bal Proust de 1971 pour fêter le centenaire de la naissance l’écrivain. « Le couturier réalise la robe de la Baronne de Rothschild et celle de Jane Birkin, qui, tout en étant inspirées des tenues Belle Époque, évoquent des personnages de La Recherche. Ces robes permettent par extension d’évoquer la place que l’écrivain occupe dans l’esprit d’Yves Saint Laurent : « Proust est celui qui a parlé le plus des femmes et dont la vie se rapproche un peu de la mienne ».

Dans le cabinet des arts graphiques, on retrouve quelques croquis, esquisses et photographies.

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Le croquis de robe du milieu a été dessiné pour Jane Birkin (1971) :

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Voilà pour cette première partie. Je proposerai prochainement la seconde mais attendant, je vous invite à aller regarder le documentaire de Loïc Prigent qu’il a réalisé sur le dernier défilé haute couture d’Yves Saint Laurent en 2002 au Centre Pompidou. Vidéo plutôt émouvante… et dans laquelle on retrouve la plupart de tenues actuellement exposées. Si ça vous intéresse, c’est par ici !

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