J’ai beaucoup aimé cette exposition qui présente le dos sous toutes ses coutures. La mode vue de dos, quelle excellente idée, une exposition que je ne voulais surtout pas manquer !
J’y suis allée tout récemment, juste avant que cette exposition présentée au musée Bourdelle ne ferme ses portes ! Il s’agit de Back Side/Dos à la mode, une exposition consacrée au vêtement vu de dos :
« Du sillage d’une traîne de cour à la charge d’un sac à dos, de la sensualité d’un décolleté à la contrainte d’une fermeture, l’exposition propose un parcours thématique d’une centaine de silhouettes et d’accessoires du XVIIIe siècle à nos jours issus des collections de Galliera. Cet ensemble est complété par une sélection d’extraits de films et de photographies. »
Je ne vous présente ici que les vêtements qui m’ont marquée. J’ai repris les textes des cartels et autres informations affichées. Le constat de base est le suivant : anatomiquement, nul ne peut voir son propre dos et c’est la plus grande surface plane de notre corps ! Je n’avais en effet pas vu le dos sous cet angle-là !
L’exposition commence dans cette belle salle des plâtres avec ci-dessous la robe longue signée Karl Lagerfeld pour Chloé avec cet incongru motif « pommeau de douche » ruisselant de métal brillant !
De face, voici ce que ça donne :
Cette sublime robe Givenchy (créatrice : Claire Waight Kemler, printemps-été 2018) portée par l’actrice Kate Blanchett à l’occasion de la montée des marches du Festival de Cannes 2018 :
Totalement improbable, cette veste bombers, pantalon et face de monstre constituée de sweaters brodés, pliés et portés en sac à dos. Création de Walter Van Beirendonck (automne-hiver 2019-2020) : « les yeux brodés ou imprimés dans le dos, zone aveugle à la merci du regard d’autrui, deviennent autant de motifs ésotériques, surréalistes ou humoristiques. »
Voici la robe (automne-hiver 1997-1998) qui a été retenue pour l’affiche de cette exposition : en 1997, Martine Sitbon signe cette robe immortalisée par l’objectif de Jeanloup Sieff :
Et donc la fameuse photographie :
LE DOS REMODELÉ
On entre ensuite dans une 2ème salle, ici l’atelier d’Antoine Bourdelle, où sont présentées ces deux vêtements de la marque Comme des garçons (créatrice : Rei Kawakubo, printemps-été 1997) : des ensembles à protubérances amovibles ! J’ai trouvé ces deux silhouettes assez étranges, il faut bien l’avouer ! « La créatrice japonaise porte son attention sur le corps de la femme. A la manière d’un sculpteur qui construit ses volumes, elle remodèle la silhouette humaine par le bais de protubérances d’ouate amovibles qui viennent déformer les vêtements. Cette collection s’inspire de la maternité et des déformations pathologiques du corps pour mieux détourner et déporter ces bosses… »
LE DOS ABSENT
A l’entrée de la 3ème salle, nous entrons dans un couloir dont les murs sont remplis de photos des 80 défilés de la saison printemps-été 2019 : on n’y voit que les modèles vus de face, ceux de profil et ceux de dos sont inexistants !
« Soumises à la vitesse frénétiques de leur diffusion, seules les vues des modèles face sont retenues. »
La voici la voilà, la robe vedette de cette exposition : la robe du soir spécialement créée par Guy Laroche (collection haute couture 1972) pour l’actrice Mireille Darc dans le film Le Grand blond avec une chaussure noire.
Cette fameuse robe qui dévoile le creux des reins ! Je pense que vous avez toutes et tous vu cette scène mythique : personne n’avait prévenu Pierre Richard au moment de tourner cette scène. L’acteur confiera plus tard : « la première vision que j’ai de Mireille Darc, c’est d’abord ses yeux… et puis la raie de ses fesses. ».
LE SILLAGE
« Le mouvement naturel du corps vers l’avant permet à la mode de placer dans le dos des traînes ou des volumes qui en prolongent la ligne.
Signe de majesté, cet excès de tissu forme un sillage qui délimite au sol un espace interdit aux autres. La traîne empêche tout recul et oblige les autres personnes à la contourner pour ne pas marcher dessus… »
Ci-dessous une traîne de cour vers 1880. La longueur de la traîne traduit le rang de son porteur, par exemple 13 mètres pour les reines de France !
Ci-dessous, Yohji Yamamoto a dessiné ce vêtement (automne-hiver 1996-1997) dont les volumes sont projetés vers l’arrière :
Cet ensemble est réalisé en feutre et en jersey de laine. Des matériaux donc peu chers… Les bords sont laissés à cru, c’est assez rare !
Ci-dessous, je crois bien que c’est ma tenue coup de coeur ! C’est une robe trench-coat signée Jean-Paul Gaultier (automne-hiver 2011-2012) qu’il a appelé « Arabesque penchée ». Il parait que Jean Paul Gaultier est le premier créateur à avoir proposer un dos nu pour homme ! Ci-dessous, le dos nu drapé est absolument somptueux avec cette longue traîne (faille et crêpe satin de soie) !
Quand on voit le devant, c’est absolument déroutant car il s’agit d’un trench ceinturé ! Vraiment surprenant, j’adore !!! Hélas, la photo que j’ai prise est ratée, du coup je vous montre celle du musée Galliera et celle du défilé :
L’OUBLI
Dans ces vitrines, on nous présente des habits du XVIIIe siècle où il est écrit qu’il y a une nette différence entre la face et le dos : « Le devant du gilet masculin est cousu dans une étoffe précieuse et est abondement brodé alors que le dos est est cousu dans une matière « pauvre », donc dans une étoffe de moindre valeur comme le lin ou le chanvre. Ces gilets sont en fait conçus pour ne jamais être retiré en société. L’habit à la française ne se concentre que sur ce qui est visible à soi comme aux autres, selon les codes dictés par la société ».
Ci-dessous on aperçoit dans le miroir le devant du gilet qui est richement brodé. Le dos, comparé au devant, laisse totalement à désirer ! Porté sous une veste, le dos de ce gilet ne se voit jamais. Et c’est aussi par mesure d’économie qu’on ne brode que la partie visible du gilet…
LA CHARGE
J’ai trouvé ce chapitre sacrément étrange ! Il est écrit que » la partie la plus endurante de notre corps à la charge, c’est le dos. On porte ainsi son matériel sur le dos afin de libérer ses bras. » Voici ci-dessous quelques interprétations !
Le créateur Nick Klavers propose ici un manteau (printemps-été 1998) pour siamois…
Yohji Yamamoto invente la robe à traîne avec sac à main (à dos) incrusté (printemps-été 2001) :
Rick Owens crée cet « ensemble suspendu » (printemps-été 2016) : « il renouvelle la manière de concevoir la charge dorsale et la transforme en symbole. Les mannequins défilent en portant d’autres femmes sur leurs dos ou sur le devant grâce à des harnais ! »
De face :
De dos :
LES AILES
« Dès l’antiquité, les ailes ont toujours fasciné l’homme ». La mode se pare elle-aussi de ce concept avec par exemple ci-dessous ce tailleur-bermuda créé par Comme des garçons (automne-hiver 2013-2014) :
L’ENTRAVE
« Depuis la fin du XVe siècle, on ferme les robes au dos par le biais de lacets, rubans, crochets, boutons et glissières : les femmes ont donc souvent besoin d’une aide pour s’habiller puisque, anatomiquement, il est difficile voire impossible d’accéder à son propre dos ! » Vous remarquerez que c’est rare dans l’habit masculin !
Ci-dessous, une robe fourreau fermée au dos par 51 boutons créée par John Galliano (automne-hiver 1998-1999) :
On retrouve ici Jean Paul Gaultier avec cette combinaison-corset fermée par un lacet de 8,58 mètres de long passé à travers 166 œillets (automne-hiver 2003-2004). « Le laçage dans le dos, explique Jean Paul Gaultier en 1988, sinuant comme une colonne vertébrale, m’a inspiré toutes les variations sur le corset, depuis les robes jusqu’à la couleur saumonée. »
On notera dans cette exposition ces deux camisoles de force qui date de la fin du XIXe siècle du début du XXe siècle. « Elles ont été inventées pour protéger les criminels et les personnes atteintes de maladies mentales, des autres comme d’eux-mêmes. Elles sont généralement toutes conçues sur le principe de manches longues (ici, de 1,70 mètres) faites pour se croiser sur le devant et se fermer solidement dans le dos. »
LE DOS NU
« Les premiers dos dénudés, chastes, apparaissent à la toute fin du XIXe siècle en ne dévoilant que la nuque et le haut du dos. Au sortir de la 1ère guerre mondiale, les femmes s’émancipent. Le décolleté dos se creuse avec les années 1920, les années 1930 lui confèrent ses lettres de noblesse. »
De face, la tenue est sobre voire sévère alors que le dos révèle un décolleté plongeant comme ici par exemple cette célèbre robe du soir courte créée par Yves Saint Laurent (automne-hiver 1970-1971).
Ce modèle a été porté par Betty Catroux, muse du couturier. Le devant est austère alors que le dos descend jusqu’à la naissance des reins :
Cette robe a été immortalisée par l’objectif de Jeanloup Sieff :
Curieuse cette robe signée Elmut Lang (printemps-été 2001) :
Dans le même esprit, on retrouve ce manteau créé par Alexander McQueen (printemps-été 1999) qui a dit « le dos est une zone érogène sous-exploitée ». Ce qui explique cette création réalisée dans un sergé de soie mélangé et tulle polyester !
Dans les robes plus « classiques », on retrouve cette robe de cocktail encore signée Jean Paul Gaultier ! Décidément, il est très fort ce Jean Paul ! Outre le dos nu, ce qui m’a plu dans cette robe c’est l’utilisation du bord cote pour l’encolure et le bas de la robe, un peu dans l’esprit de la blouse Carmen de Chez Machine !
Le dos de cette robe en crêpe de soie imprimé (entre 1930 et 1935) serait tout à fait tendance aujourd’hui. J’aime beaucoup ce jeu de découpes !
LA MARQUE
« Le dos est la plus grande surface plane de notre corps. Le dos laisse place à l’inscription de messages, en y mettant des logos ou des dessins. Ces messages peuvent être utilitaires, contestataires, décoratifs ou personnels. Entre messages et motifs, les marques de mode ont pris conscience du caractère publicitaire des dos. »
Vous remarquerez au passage le peignoir de Marcel Cerdan, la veste avec l’inscription police ou encore le maillot de Mbappé !
Cette veste de costume de Jean-Paul Gaultier (printemps-été 1992) : Le cartel indique ceci : « le « code du foulard » est un système sémantique complexe utilisé dans les milieux homosexuels afin de faire connaître leurs préférences. Un foulard, toujours placé sur l’une des deux poches arrière du jean, à gauche ou à droite, indique le rôle respectivement actif ou passif de la relation sexuelle désirée. En tout, près de 116 combinaisons différentes peuvent être déduites par la position, la couleur ou la matière du foulard choisi. »
Cette veste signée Zara (printemps-été 2016) a fait polémique car le message inscrit au dos de cette parka (« je m’en moque complètement, pas vous ? ») a notamment été portée par Melania Trump lors d’une visite officielle en 2018 à un camp d’enfants réfugiés à la frontière mexicaine…
On termine cette exposition avec cette amusante robe du soir de Schiaparelli (printemps-été 2015) en satin de soie, velours contrecollé et broderies de cristaux :
Voilà pour cette visite. Je suis littéralement sous le charme de cette exposition qui présente la mode sous un angle plutôt orignal !
Merci pour ce partage
Merci et félicitations pour cette visite différée de l’exposition 🙂 je n’ai pas pu m’y rendre mais grâce à votre article, j’ai l’impression d’en être nourrie.
merci pour ce reportage photos. Des dos surprenants, de jolis décolletés. Encore merci
C’est gentil Sandrine de penser à ceux ou celles qui ne peuvent s’y rendre. Joli reportage, très intéressant. Merci pour le partage. Bonne fin de journée à toi.
Waouh ! Super reportage ! Merciiiii de nous permettre cette visite à distance !
J’ai toujours beaucoup aimé les décolletés. Ils prolongent le cou et donnent un joli port de tête. Cette galerie de dos nus ne me donnent pas envie d’en porter. Je suis bien trop timide. Merci et bonne soirée !
Super. Merci de nous faire partager cette exposition… je n’ai pas eu le temps d’y aller!
J’ai trouvé ça fascinant ! Merci Sandrine !
Merci ! Tres intéressant !
Le dos est parfois négligé dans les patrons, alors qu’il y a tant de possibilités.
Merci infiniment de nous faire voir cette expo qui avait l’air superbe!
Super ! pour cette visite, merci.
Oh là là, que c’est beau ! Votre bel article me fait regretter de n’avoir pas été voir cette exposition dont je n’ai pas eu connaissance … Certaines de vos photos me font rêver, merci à vous !
Très chouette exposition, merci de l’avoir partagé. Bon week-end
Merci infiniment pour ce partage ! Cette expo est très complète et on apprend des tas de choses, le vêtement est beaucoup moins futile qu’il n’y paraît. Les robes avec dos dégagés sont bien plus élégantes pour moi plus que les décolletés plongeants devant !
Merci à toutes pour votre engouement et d’avoir lu cet article ! Et dire que j’ai failli rater cette exposition…
J’ai aussi adoré cette expo!! Je pense qu’on a craqué sur les mêmes robes!!!
Si mon article avec photos t’intéresse…
Oh oui, ça m’intéresse, je file voir ça !!!
Excellent article!!!! mille mercis Sandrine.
Que de belles choses à voir 😍 je suis si déçue d’avoir raté l’exposition ! Merci donc pour ce debrief !
Merci beaucoup Sonia ! Et dire j’ai failli moi aussi la louper…
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Super article, ça m’aurait plus d’aller à cette exposition car mêler la mode à l’histoire est hyper intéressant, surtout que là on aborde un thème qui change. Merci pour ce partage, j’ai appris plein de chose.
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