L’exposition est proposée à la fondation Azzedine Alaïa située au 18 rue de la Verrerie, dans le 4ème à Paris, à deux pas du BHV. L’entrée coûte 10€ mais attention, cette exposition se termine le 16 novembre 2025 (merci Magali de m’en avoir parlé !). Cette exposition réunit une trentaine des modèles, ceux de la Collection couture 2003. Il sont exposées sous la verrière où précisément avait eu lieu le défilé.

J’aime beaucoup les créations d’Azzedine Alaïa, couturier de renom : « C’est un couturier. Au sens strict. Tout est modélisé, coupé, cousu par lui. Il sait tout faire. Même s’il ne fait rien seul, il est l’un des rares aujourd’hui à savoir tout faire dans l’élaboration d’un modèle. Il est connu pour ses robes-fourreaux sculpturales et moulantes « véritables secondes peaux qui suivent les courbes au plus près ».

 

Courte biographie d’Azzedine Alaïa (1935–2017) : Né à Tunis, Azzedine Alaïa étudie la sculpture avant de s’installer à Paris dans les années 1950. Après avoir travaillé chez Dior et Guy Laroche, il ouvre son propre atelier et se fait connaître pour ses créations sculpturales qui subliment le corps féminin. Maître du jersey et du cuir, il habille les plus grandes stars des années 1980 et 1990. Indépendant et perfectionniste, il refuse les diktats de la mode et travaille à son rythme. Son héritage se poursuit aujourd’hui à travers la Fondation Azzedine Alaïa, installée dans son atelier du Marais.

J’ai eu l’occasion d’apprécier quelques-unes de ses créations lors de mes précédentes visites d’exposition. Les dernières en date sont celles qui ont été présentées au Musée du Louvre à l’occasion de l’exposition Louvre couture : deux robes d’une élégance extrême et d’une technicité époustouflante…

Dans la rétrospective en images présentée au début de l’exposition, figure la célèbre photo de la robe aux couleurs bleu, blanc, rouge, portée par la cantatrice américaine Jessye Norman lors du Bicentenaire de la Révolution française. Ce jour-là, elle avait offert une interprétation magistrale de La Marseillaise sur la place de la Concorde.

Parmi les 36 modèles présentés à l’occasion de cette exposition, la plupart sont cousus dans des tissus noirs, ce qui, comme vous le savez, n’est pas pour me déplaire !

L’entrée de la fondation peut sembler discrète au premier abord… mais dès que l’on franchit le seuil, on découvre un lieu atypique et fascinant. Le cadre est tout simplement superbe, d’autant plus qu’il fut le lieu de travail et le lieu de vie d’Azzedine Alaïa, ce qui confère à cette visite une dimension authentique et personnelle.

Puis on découvre une cour intérieure joliment décorée : c’est un café-restaurant-bar ouvert du mardi au dimanche. Comme nous étions lundi, tout était donc fermé. Sur la droite il y a également une librairie.

Ensuite, au fond de la cour, on aperçoit la grande galerie d’exposition sous verrière absolument superbe, une salle toute en longueur avec de nombreuses alcôves présentant les créations d’Azzedine Alaïa.

A gauche une frise chronologique retraçant le parcours du couturier et à droite les tenues de la Collection couture 2003 :

Au premier étage : une 2ème salle d’exposition. On y accède par un escalier intérieur ou un ascenseur :

On y découvre des photos en noir blanc de l’américain Bruce Weber et deux créations (toujours issues de la Collection couture 2003) :

On y aperçoit, à travers une fenêtre ronde, l’atelier de couture d’Azzedine Alaïa appelé « le studio » :

Le lieu déborde de vie et de désordre : vêtements suspendus, toiles inachevées, boîtes empilées, rouleaux de tissu et objets en tout genre envahissent les tables et le sol. Au fond, un grand miroir d’essayage reflète ce chaos créatif.

Il faut savoir que le studio est resté exactement comme il l’a laissé, avec la dernière robe sur laquelle il était en train de travailler sur un mannequin. Pas un vêtement, pas une esquisse, pas un outil, une aiguille qui n’aient été bougés !

C’est évidemment (en tout cas pour moi) le clou de cette exposition ! Il y a tellement de détails à observer : chaque objet semble raconter un fragment du processus créatif, chaque tissu, chaque croquis témoigne d’un moment de recherche ou d’inspiration. C’est juste dommage qu’on ne puisse pas pénétrer dans cet atelier (comme on peut le faire pour le studio d’Yves Saint-Laurent), on ne peut en effet que l’observer de l’extérieur et qui plus est à travers un hublot… La prochaine fois, je prendrai mes jumelles !

Avant de continuer la visite, voici la présentation de l’exposition telle que décrite par la fondation : « Présentée le 23 janvier 2003, la collection couture pour l’Été-Automne de la même année incarne le renouveau créatif et stylistique d’Azzedine Alaïa. Depuis onze ans, le couturier n’avait plus présenté de défilé. Ayant pris ses distances avec le système de la mode qu’il contredisait avec prophétie, ne se reconnaissant plus dans une époque qui consacrait alors le succès des modes minimalistes, Azzedine Alaïa s’en tenait à la reconduction de saison en saison de modèles emblématiques, que l’exigence de réalisation et de technicité confirmaient en classiques devenus sa signature.

En 2003, alors que sa maison de couture avait traversé une période de vulnérabilité financière, que le patrimoine architectural, œuvre de toute une vie rue de la Verrerie et de Moussy rendant parfois l’équilibre économique fragile, Azzedine Alaïa trouva de nouveaux soutiens économiques. Accompagné de sa fidèle amie et collaboratrice Carla Sozzani, il s’isola des semaines durant dans le silence de son atelier et commença à concevoir une collection qui allait le situer de nouveau au plus haut dans l’Olympe des couturiers de son époque. (…)

En 2003 à près de 68 ans, le couturier est sur le point d’inaugurer l’ultime période qui illustre en majesté l’excellence de son travail. Azzedine Alaïa n’a plus à prouver sa prédominance technique sur celle de ses contemporains. Ses recherches motivées par la quête d’une coupe ultime se font plus silencieuses et abstraites, plus savantes encore parce que plus invisibles en apparence.  De ce point de vue-là, tous les modèles qu’il s’apprête à montrer dans le cadre de cette collection Été-Automne 2003, celle du retour, sont les manifestes de cette virtuosité technique qu’il est le seul à dominer. L’air de rien, les vestes, les manteaux, les robes sont le comble de l’achèvement de toute une vie menée à l’atelier. »

En tout, 36 silhouettes sont exposées, je vous montre ci-dessous les pièces qui ont particulièrement attiré mon regard :

Le premier modèle exposé ne laisse personne indifférent ! C’est une veste queue-de-pie en laine noire, empiècement dos en peau de crocodile noir, jupe longue « couture tournante » en jersey de laine noir :

L’effet de matière est saisissant : cette peau de crocodile confère à l’ensemble une allure puissante et sophistiquée. Un choix audacieux qui, aujourd’hui, susciterait sans doute la controverse…

Première série de 5 modèles :

Robe tailleur en gabardine noire, coupe en spirale avec volant sur la jupe :

Le volant est assemblé grâce à la technique de l’incrustation. Les coutures présentent de légères irrégularités, donnant l’impression d’un travail réalisé à la main. On aimerait pouvoir en observer l’envers, pour apprécier pleinement la qualité des finitions.

2ème série de 4 robes :

Robe courte en jersey de laine noir à glissière tournante. La coupe de cette robe moulante est ultra simple mais tellement élégante.

Beaucoup de robes sont exposées. En voici 4 autres :

Robe longue en jersey de laine noire, col fendu baleiné. Création bijoux sculpture, Kris Ruhs :

Le patronage de cette robe n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Avez-vous remarqué cet empiècement sur le côté ?

Robe longue en jersey de viscose noire, empiècement en plastique souple transparent. Création bijoux sculpture, Kris Ruhs :

3 autre robes longues :

Haut en mousseline de soie noire, cordons de serrage en mousseline de soie rouge. Jupe en organza multicolore et mousseline de soie noire, construction à godets et traîne au dos :

Réaliser des godets sur un tissu aussi fin & fragile que la mousseline, ça relève à mon sens d’une sacrée dose de dextérité !

D’ailleurs, j’ai du mal à comprendre comment c’est cousu. La transparence du tissu montre que les valeurs de couture sont très fines, comme si ça avait été cousu à la surjeteuse par un ourlet rouloté…

Robe tailleur en toile de laine noire. Jupe en popeline de coton plissée, à motifs géométriques découpés au laser.

On retrouve là encore la technique des godets avec volant incrusté :

On remarque que le zip « invisible » ne l’est pas tout à fait… Mais sur une coupe aussi ajustée, comment faire autrement car les coutures d’assemblage tirent forcément…

La voici portée le jour du défilé :

Une autre série de 4 robes :

Robe longue en mousseline de soie bleue marine, torsades et découpes triangulaires sur le corps, décolleté asymétrique et bretelle fine.

Là encoure, les coutures d’assemblage sont extrêmement fines sur cette mousseline…

Robe longue en tulle de soie noire, brodée de paillettes en forme de fleurs. Minishort en maille noir.

Robe longue en mousseline crêpe blanche imprimée de fleurs noirs, devant drapé par des cordons coulissés se terminant par des perles de verre noires.

Ce jeu de coulisses est un détail des plus intéressants car ça permet de froncer et donc de draper toute la partie haute de la robe.

Dans ces coulisses passent des cordons hyper fins & étroits réalisés dans le même tissu. Travail très délicat & très minutieux…

4 modèle tous réalisés dans du denim :

Redingote en denim à deux boutons en métal. J’aime beaucoup la coupe cintrée de cette veste avec ce grand col tailleur et toutes ces surpiqûres qui viennent joliment souligner les découpes :

L’entrée de poche en incrustation avec un raccord de surpiqûres qu’on aurait peut-être pu éviter…

Au centre de la verrière, on ne peut manquer cette robe-corset absolument magistrale :

Corset en cuir moulé, empiècement de peau de crocodile. Jupe en faille de soie noire, construction à godets et traîne.

Les godets, encore et toujours qui permettent de donner de l’ampleur au bas de la robe.

Au premier étage, on découvre cette robe longue en jersey de laine noire à glissière tournante en métal argenté. Véritable pièce emblématique de l’exposition, elle s’impose comme une signature du créateur. On raconte d’ailleurs que la fermeture éclair mesure près de sept mètres de long !

Robe longue en jersey de soie rouge et de viscose beige, empiècements en plastique souple transparent, lacets et daim rouge.

Dans le hublot de l’atelier, on aperçoit cette veste queue-de-pie en drap de laine écru, empiècement dos en peau de crocodile blanche. Une création iconique, véritable signature d’Azzedine Alaïa, qui incarne à elle seule l’audace et la maîtrise du couturier.

Voilà pour cette exposition ! Pour voir toutes ces tenues portées par des mannequins, c’est par ici ! Et je termine avec quelques mots du créateur :